Sous la direction de Stéphane Gacon,
Paris, La Découverte, 2014 – ISBN : 9782707181954
Depuis une vingtaine d’années, l’histoire de l’alimentation et des pratiques alimentaires s’est développée et a fait l’objet de nombreux travaux, tant en histoire que dans d’autres sciences sociales. Ce numéro spécial interroge plus spécifiquement les formes et les enjeux de l’alimentation au travail dans les sociétés industrielles entre le milieu du XIXe siècle et les années 1980. Il entend montrer comment les pratiques alimentaires contribuent à structurer le temps social, mais aussi pourquoi elles constituent des observatoires privilégiés pour saisir les visées hygiénistes, les dispositifs d’autorité dans l’entreprise, les habitudes individuelles et collectives des travailleurs et les sociabilités qu’ils cultivent.
Sont ici réunies sept études de cas représentant un éventail de sociétés industrielles (France, Italie, Royaume-Uni, URSS). Les auteurs se proposent d’abord d’expliquer la mise en place d’une alimentation « encadrée » par le patronat et sa chronologie. La première moitié du XXe siècle, de 1914 à l’entre-deux-guerres, est à cet égard décisive.
Le deuxième objectif est d’éclairer les marges de manoeuvre des acteurs, la diversité des formes de sociabilité alimentaire et leur rôle dans la construction d’une culture ouvrière comme dans l’instauration, l’affirmation et le maintien des liens sociaux au travail.
Une troisième série d’interrogations porte sur les discours relatifs à l’alimentation populaire et sur ce qu’ils dévoilent de l’ordre social et politique, du licite et de l’illicite, du rapport de l’ouvrier à son corps, de sa recherche du plaisir et des interactions genrées sur le lieu de travail. Le contenu de l’assiette n’a pas été oublié : de l’éloge de la viande à celui de l’alimentation saine et diététique intégrant les fruits et légumes, autant de préoccupations qui évoluent dans une dialectique incessante entre acculturation et résistance.