Sous la direction de Philippe Poirrier et Julie Lauvernier
Le « moment archives » – nous empruntons cette qualification à la contribution de Vincent Duclert – témoigne d’une conjoncture historiographique marquée par une plus grande interrogation des historiens sur leur pratique.
Les liens intrinsèques qui unissent archivistique et historiographie ont toujours été reconnus. Toutefois ces rapports se sont construits le plus souvent autour d’une opposition schématique : d’un côté la collecte et l’inventaire, de l’autre l’analyse et la synthèse. Car force est de reconnaître qu’archivistique et écriture de l’histoire sont deux disciplines, et deux opérations distinctes ayant des objets propres. L’interrogation sur ces liens n’est pas neuve, elle a su trouver sa place dans les débats professionnels depuis de nombreuses années. En revanche, la grande majorité des historiens se sont jusqu’à ce jour peu souciés d’en faire l’examen. Certains philosophes, notamment Michel de Certeau – la contribution de François Dosse le souligne avec force – et Paul Ricœur, ont été plus prolixes. Leurs réflexions épistémologiques ont su replacer la construction de l’écriture de l’histoire dans la continuité de l’opération archivistique, et illustrent de ce fait un rapprochement pour penser ces deux opérations en un monde commun, et non plus en contradiction. A l’aune de ces essais, l’histoire ne commencerait pas par la seule parole de l’interprétation, elle serait toujours médiatisée par la technique et dépendrait alors autant de l’archivistique de son époque, que du degré de technicité mis en œuvre pour la collecte des documents par l’historien…