Colloque
Organisation : Gianenrico Bernasconi (Université de Neuchâtel) et François Jarrige (LIR3S UMR 7366 CNRS-UBE)
[en coopération avec le Musée international d’horlogerie de La Chaux-de-Fonds]
Présentation
L’histoire des techniques a sans doute été l’un des domaines les plus enclins aux constructions linéaires et téléologiques, se focalisant sur le récit des inventions, la succession des systèmes techniques et la logique des substitutions, comme si toute technique nouvelle chassait nécessairement celles en usage dans une course permanente à la nouveauté. Cette vision, privilégiant le succès des macro-inventions et l’idée de révolution technique, a longtemps dominé les récits historiques, notamment depuis la révolution de la vapeur devenue l’étalon pour mesurer l’innovation dite « de rupture ». Pourtant, de nombreux auteurs ont précocement questionné la linéarité des temporalités techniques, interrogé les bifurcations, les temporalités plurielles, les innombrables projets avortés. Les études sur la maintenance, la réparation et le recyclage ont montré l’importance et la richesse des pratiques visant à la persistance des techniques : les stratifications temporelles, la coexistence entre le vieux et le nouveau, les symbioses, sont devenus des manières de penser les formes du temps des techniques.
L’histoire sociale des techniques renouvelée par une plus grande attention à leurs usages a aussi montré combien « la plupart des inventions sont effectivement désinventées, dans le sens où elles tombent dans l’oubli » (David Edgerton). Le passé est en effet rempli de ces machines et inventions nouvelles célébrées comme révolutionnaires à leurs débuts avant d’être totalement oubliées ; la voiture électrique au début du XXe siècle, les avions supersoniques dans les années 1960-1970, ou les produits comme l’amiante, le DDT, et les CFC, ont finalement été abandonnés. Les dépôts des musées regorgent de dispositifs dont on n’arrive plus à comprendre le fonctionnement, à définir les contextes. Le colloque « Disparition, mort et obsolescence des techniques (XVIIIe-XXe siècles) » invite à une réflexion sur le processus de disparition des techniques, en proposant d’ouvrir quelques pistes de réflexion.
Le colloque invite donc à réfléchir à l’histoire des dynamiques dans lesquels s’inscrit le processus de disparition des techniques (échec, obsolescence, choix politique), sur les formes de cette disparition (exclusion des systèmes techniques, disparition de la littérature technique) articulant la disparition à la fois comme oubli et comme forme de l’exclusion. Afin de préciser les problématiques concernant les dynamiques de la disparition des techniques il est souhaité de partager les réflexions avec des historien·es travaillant sur périodes et sur cadres spatiaux variés.
Programme [provisoire]
Mercredi 21 mai
- 17 h 30 – Vernissage de l’exposition Paléo-énergétique organisée par l’Association Atelier 21
L’exposition Paléo-énergétique est une initiative qui explore l’histoire oubliée des innovations énergétiques. En s’appuyant sur une recherche participative et citoyenne, elle met en lumière des inventions méconnues et des récits inspirants qui dessinent une vision alternative et positive de l’histoire de l’énergie. Cette démarche “low-tech” et “rétro-tech” invite à revisiter le passé pour en tirer des enseignements, au service de la transition écologique.
Jeudi 22 mai
- 9 h 00 – Gianenrico Bernasconi, François Jarrige : Introduction du colloque
Session 1 : Techniques et matériaux industriels : oubli et patrimonialisation
- 9 h 30 – Lise Caliste :
Disparition et réintroduction de techniques anciennes dans l’industrie textile contemporaine
- 10 h 00 – Crozet Fanny :
De la technique « désinventée» à la survivance de ses objets : puddlage et fer puddle.
- 10 h 30 – Deshusses Frédéric :
Maintenir vivant le travail mort : la patrimonialisation de la machinerie des arts graphiques
11 h 00 – Pause
Session 2 : Les mondes de l’automobile : laboratoire de l’obsolescence
- 11 h 30 – Robert Tiphaine :
Naissance, gloire et mort de l’essence au plomb tétraéthyle (1921-2021). Un précédent historique au CO2 ?
- 12 h 00 – Huguet Adèle :
Vie et mort du super-ternaire : l’éthanol de betteraves comme carburant dans les années d’après-guerre (1945-1957)
- 12 h 30 – Lauverjat Alexandre :
L’autre voiture propre : une histoire des projets avortés de réduction des gaz d’échappement (années 1970-1980)
Session 3 : Gérer les déchets
- 14 h 30 – Hatton-Proulx Clarence :
La disparition de l’incinération comme technique de traitement des déchets Ménagers à Montréal
- 15 h 00 – Dufour Etienne :
Techniques disparues et maintien des cycles biogéochimiques : Trajectoires d’éviction des techniques de recyclage agricole des déchets. Organiques urbains (France, XXe siècle)
- 15 h 30 – Heike Weber :
Repairing or discarding? Electrical appliances and the West German mass consumer society
16 h 00 – Pause
- 17 h 15 – 18 h 00 – Conférence de David Gugerli (Professeur à l’ETHZ)
Vendredi 23 mai
Session 4 : Désinvention programmée
- 9 h 30 – Bothereau Benjamin :
Le réverbère, la micro-invention « révolutionnaire » abandonnée par le Paris du XIXe siècle
- 10 h 00 – Kuntz Damien :
« Le temps du stylo électrique est passé » : Pour une histoire de la désélectrification (1880-2000)
- 10 h 30 – Mounier-Kuhn Pierre :
Disparition résistible et programmée : La mécanographie à cartes perforées (1950-1990)
11 h 00 – Pause
Session 5 : Construction de l’obsolescence et de l’échec
- 11 h 30 – Mouret Emma-Sophie :
Routes fermées. Obsolescences et limites de l’aménagement routier en montagne (XIXe-XXIe siècles)
- 12 h 00 – Sophie Braun :
Échec du procédé Lippman/Ponsot
- 12 h 30 – Cyril Lacheze et Marion Weckerle :
Depuis l’adoption au Conservatoire de la nouvelle méthode. Mort, survie et renaissance de techniques du corps.
- 13 h 00 – 13 h 30 – Conclusions