Les violences de genre comme problème public

Colloque dans le cadre du séminaire « Actualité des études de genre »

Organisation : Lucile Girard, Maud Navarre, et Georges Ubbiali (LIR3S UMR 7366 CNRS-uB)

[Colloque organisé en partenariat avec l’IRTESS-Bourgogne-Franche-Comté]

Entrée libre et gratuite,
dans la limite des places disponibles. 


Présentation

Depuis les années 1970, la politisation des questions relatives aux violences faites aux femmes a progressé. On entend par violence de genre toutes les violences commises par des hommes, en tant qu’hommes, envers les femmes en tant que femmes. Cependant, ce concept permet également de penser les violences commises par des hommes contre d’autres hommes qui performeraient moins la virilité. Ces violences, notamment celles qui ont lieu au sein du couple, ne sont plus aujourd’hui ramenées à des problématiques individuelles ou privées. Elles ont été progressivement comprises comme un problème systémique lié à la question du genre et des dominations. La notion de « continuum des violences sexuelles » faites aux femmes, forgée en 1987 par Liz Kelly  [1] vient illustrer le fait qu’il s’agit d’une violence systémique, résultant du patriarcat et s’étend de la blague sexiste au féminicide. Cette dernière notion, adoptée dans la langue française dans les années 2014-2015 mais dès les années 1980 dans les pays anglo-saxons, désigne le meurtre d’une femme, d’une jeune fille ou d’une enfant en raison de son sexe et permet de montrer que les crimes sexistes existent depuis des millénaires dans les différentes sociétés [2]. Ces concepts développés par les chercheuses féministes ont permis de sortir la question des violences sexuelles de la sphère privée, intime et interpersonnelle et de transformer ce qui était alors considéré comme des faits divers en des problèmes publics, dignes d’actions collectives pour les combattre [3].

La question des violences de genre a été documentée en France à travers l’enquête VIRAGE menée par l’INED en 2010 [4]. Les résultats de cette enquête sont éloquents : les victimes sont majoritairement des femmes, elles connaissent très souvent leur(s) agresseur(s) qui sont majoritairement des hommes. L’enquête relève également le caractère répété et intégré à la vie quotidienne de ces violences qui ne se déroulent pas seulement dans le couple ou la sphère familiale, mais peuvent également concerner la sphère professionnelle ou l’espace public. Ainsi, le hashtag #Metoo [5], visait à dénoncer les violences sexistes et sexuelles subies dans le cadre professionnel.

L’appellation « violences de genre », dans laquelle le pluriel est important, permet également de penser la pluralité des formes prises par ces violences : verbales, physiques, sexuelles, psychologiques, ou encore économiques.

Les combats féministes et les multiples mobilisations de ces dernières années, notamment pendant le confinement de mars à mai 2020 décrété dans le contexte de propagation du Covid-19 [6], et ceux qui ont suivi, ont mis en lumière la nécessite d’actions publiques de prise en charge de ces violences. Les pouvoirs publics se sont d’ailleurs saisis de cette question selon différentes modalités.

L’objet de ce colloque est d’interroger les modalités de l’action publique en matière de violences de genre, selon trois grands axes : Histoire des violences de genre ;  Les dispositifs de lutte contre les violences de genre ; Perspective internationale.

Des dispositifs de lutte contre les violences sexistes et sexuelles existent en France depuis plusieurs dizaines d’années maintenant. Dans les années 1970, c’est la question du viol qui a animé les féministes, avant de se pencher sur d’autres formes de violence comme le harcèlement sexuel, au travail ou dans la rue au tournant des années 2010, pour ne citer que ces formes de violence.

Qu’en est-il dans les autres pays ? Quelles démarches sont mises en place pour lutter contre les violences de genre ? Comment et avec quels partenaires politiques, institutionnels et associatifs ? Pour quels résultats ? Les contributions pourront apporter des comparaisons internationales ou porter sur des pays qui ont adopté des dispositifs innovants dans le domaine de la lutte contre les violences sexistes et sexuelles.

Programme

Jeudi 21 novembre 

9 h 00 – Accueil des participants

  • 9 h 30 – Ouverture par les organisateurs/LIR3S
  • 9 h 45 – Intervention de la Direction régionale aux droits des femmes et à l’égalité (DRDFE)
  • 10h00 – Conférence introductive de Pauline Delage :
    « Étudier les frontières des problèmes publics. Les violences, le genre et les autres rapports sociaux »
  • 11 h 00 – Table ronde avec des professionnels et des associations :
    « comment combattre les violences sexuelles dans l’enseignement supérieur ? »

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  • Mai Lan Lopez :
    « Les violences sexuelles au travail, un problème public au 19e siècle ? »
  • Amélie Bescont :
    « Défaire l’emprise des conjoints violents : de la thérapeutique à l’action publique »
  • Anaëlle Vens :
    « Un recadrage en cours de la « cause publique » des violences conjugales ? Jalon pour penser l’intégration des enjeux d’emploi et de travail dans les politiques d’accompagnement »

15 h 45 – 16 h 45

  • Zeineb Touati et Annie Lochon :
    « Les écrits féministes et la constitution des violences de genre en problème public »
  • Giuseppina Sapio :
    « L’Affaire Sohane Benziane : le premier féminicide en France ? »

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Vendredi 22 novembre 

9 h 00 – 10 h 30

  • Emmanuelle Jay :
    « À la force des poings : la boxe comme dispositif thérapeutique auprès des femmes victimes de violences sexuelles »
  • Émilie Adam et Julie Hamdan :
    « Développer les actions « d’aller vers » pour informer et accompagner les femmes victimes de violences sexistes et sexuelles : le cas des CIDFF de Bourgogne Franche-Comté »
  • Charlotte Buisson :
    « La cellule d’enquête et de sanction d’EELV : perspectives critiques »

10 h 45 – 11 h 45

  • Bénédicte Rosenstiehl :
    « Les collages féministes : une dénonciation publique des violences de genre »
  • Camille Riou :
    « Lutter contre le syndrome d’aliénation parentale grâce aux réseaux sociaux ? Le cas italien »

11 h 45 – 12 h 45

  • Reine Yameogo :
    « Du pouvoir de la reconstruction des femmes survivantes de violences sexistes et sexuelles au Burkina Faso »
  • Chimène Mangoua Njonte :
    « Ethnosociologie des mobilisations de survivantes des violences conjugales au Cameroun : entre agentivité et dépendance »

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14 h 15 – 14 h 45

  • Clémence Théodoridès Bourgi :
    « Possession, transaction, exploitation : trajectoires féminines dans Germinalet La Terre d’Émile Zola »

14 h 45 – 15 h 45

  • Alizé Norbelly :
    « La prise en charge des violences sexuelles par l’institution judiciaire constitue-t-elle une aporie politique ? » 
  • Alicia Brox Sáenz de La Calzada :
    « La reconnaissance pénale des violences de genre en Espagne : des particularités du contexte sociojuridique à la spécificité de la norme »
  • Cloé Vianin :
    « Infractions contre l’intégrité sexuelle dans le droit pénal suisse : comment une révision du droit pénal constitue les violences sexuelles comme problème public ? »

  • 16 h 00 – Discussion des trois communications
  • 16 h 30 – Conclusion


[1] L. Kelly, « Le Continuum de la violence sexuelle », Les Cahiers du genre, n° 66, 2019, p. 17-36 (traduit de l’anglais par Marion Tillous).

[2] Voir notamment C. Taraud [dir.], Féminicides, une histoire mondiale, La Découverte, 2022.

[3] P. Delage, Violences conjugales. Du combat féministe à la cause publique , Paris, Sciences Po, 2017.

[4] Brown et al., Violences et rapports de genre : Enquête sur les violences de genre en France , Paris, INED, 2020.

[5] Avec le hashtag « #Metoo », et son pendant français « #balancetonporc », mais également plusieurs initiatives dans des milieux particuliers, comme le blog « chaircollaboratrice » qui dénonce les violences sexistes et sexuelles subies dans le milieu politique et plus particulièrement à l’Assemblée Nationale.

[6] Voir par exemple, la tribune parue dans Le Monde le 07 avril 2020 et intitulée : « Violences conjugales : “Pour sauver des vies, un SMS ne suffira pas” ».

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