Sous la direction de Thomas Bouchet, Stéphane Gacon, François Jarrige, François-Xavier Nérard et Xavier Vigna
Nancy, Arbre bleu éditions, 2016
ISBN : 979-10-90129-15-3
[Actes du colloque Manger au travail (XVIIIe-XXIe siècle) – uB – 16 et 17 janvier 2014]
Manger au travail, un sujet anecdotique pour les sciences sociales ? Les auteurs de cet ouvrage novateur affirment le contraire : la pause-repas qui interrompt la journée ou la nuit de travail offre, à qui sait l’analyser, un observatoire privilégié des sociétés contemporaines. Quoi de plus nécessaire que de se restaurer pour les travailleurs ? On imagine sans peine que l’appréciation des employeurs est toute différente face à ce temps mort du point de vue de la production. La pause-repas dans les sociétés industrielles et salariales est un enjeu de luttes incessantes, qu’elles soient ouvertes ou souterraines, les revendications des uns (allongement des temps de pause, choix des lieux de repas…) s’opposant aux logiques des autres (contrôle de la durée de pause, rationalisation de l’organisation du temps et de l’espace).
Comment, quand, avec qui et où mange-t-on pendant son temps de travail depuis plus de deux siècles ? La gamelle et l’outil pose de précieux jalons en croisant les pays (outre la France, l’Italie, la Pologne, la Suisse, l’URSS…) et les familles professionnelles – celles qui ont fait les riches heures de l’histoire ouvrière (les mineurs, les cheminots…) et d’autres moins étudiées (les ouvriers des arsenaux, les policiers, les salariés du cinéma…) –, mais aussi en mettant l’accent sur des pratiques rebelles (la « soupe communiste » et autres repas de grève) ou sur les imaginaires du repas au travail chez les premiers socialistes du XIXe siècle.
À la croisée d’une histoire sociale et politique, c’est toute l’organisation du temps et de l’espace des sociétés de l’ère industrielle qui se réfracte dans cette étude de l’alimentation au travail.
Table des matières
Première partie – Manger entre les champs et les villes au temps de l’industrialisation
- Introduction
- Une cantine à l’arsenal de Toulon (1793). L’ambition d’un collectif ouvrier de lutte contre la vie chère,
par Julien Saint-Roman - Manger chez Robert Owen, entre paternalisme et socialisme. L’expérience sociale de New Lanark (1800-1825),
par Ophélie Siméon - Du « brouet noir » au « pain d’Harmonie » : les phalanstériens à table,
par Thomas Bouchet, Bernard Desmars et Jean-Claude Sosnowski - Le repas communiste du monde utopique d’Étienne Cabet,
par François Fourn - Une expérience alimentaire fondatrice ? Le « Commerce véridique et social » de Michel-Marie Derrion à Lyon (1835-1838),
par Denis Bayon - Révolutionner l’alimentation du peuple. Les associations de cuisiniers dans le Paris de la Deuxième République,
par Vincent Robert - L’alimentation des salariés agricoles en France à la Belle Époque,
par Jean-Claude Farcy
Deuxième partie – Le repas à l’âge industriel, entre normes et contraintes
- Introduction
- L’alimentation rationnelle des corps au travail. Cheval de trait et budget ouvrier à Paris dans le second XIXe siècle,
par Thomas Depecker - L’invention des « soupes communistes » en France (1880-1914),
par François Jarrige - Rôti de bœuf, pâtes au jus, fromage, figues et oranges. Un ravitaillement exemplaire : la soupe communiste de Bourgoin-Jallieu en 1923,
par Stéphane Gacon - Manger (et boire) dans les usines occupées du printemps 1936,
par Morgan Poggioli - Pouvoir manger. Nourriture et travail dans l’URSS des premiers plans quinquennaux,
par François-Xavier Nérard - La révolution avortée des cantines polonaises (1945-1962),
par Tadeusz Czekalski - L’alimentation des travailleurs engagés tonkinois de Nouvelle-Calédonie (1891-1963),
par Claudy Chêne
Troisième partie – Circulation, diffusion et contestation des modèles dans la seconde moitié du XXe siècle
- Introduction
- Les cheminots entre le panier et la cantine : choix alimentaires individuels et restauration collective au travail,
par Jean-Pierre Williot - L’alimentation des mineurs de fond en France après 1945,
par Pascal Raggi - Les usages politiques du repas de grève dans les années 68 : l’exemple de la Bretagne,
par Vincent Porhel - Récits ouvriers sur la gamelle et la cantine en France au XXe siècle,
par Xavier Vigna - Quand les policiers se mettent à table. Urgence, travail réactif et repas contrariés dans les organisations policières,
par Michaël Meyer - Manger à la Fiat à Turin des années 1950 à nos jours,
par Daniela Adorni et Stefano Magagnoli - Les repas de tournage. Contraintes productives et commensalité,
par Gwenaële Rot - Conclusion. L’alimentation au travail au cœur de la cité